Ce mercredi 22 septembre, la proposition de loi contre la maltraitance animale entre en discussion au Sénat. La zoophilie et la zoopornographie y seront abordées. Deux sujets largement méconnus et encore tabous dont la législation est jugée insuffisante par les défenseurs des animaux.
Adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 29 janvier dernier, la proposition de loi contre la maltraitance animale entre en discussion au Sénat mercredi 22 septembre 2021 en Commission des affaires économiques. L’article 11 de cette proposition de loi est consacré à la zoophilie et à la zoopornographie.
L’association de défense des animaux Animal Cross, basée à Jurançon dans les Pyrénées-Atlantiques, a largement contribué à l’élaboration de cette proposition de loi, mettant notamment en lumière ces deux sujets trop peu abordés et tabous. "Même les défenseurs des animaux sous-estiment le problème. Il y a une difficulté à prendre conscience du sujet, une minimisation est faite", se désole Benoît Thomé, président de l’association Animal Cross.
Pour rappel :
La zoophilie est une déviance sexuelle. C’est le fait de regarder des images pornographiques mettant en scène des rapports sexuels entre des humains et des animaux, c’est le fait d’avoir des rapports sexuels entre humains et animaux, ce qui peut être réalisé avec un certain sadisme et là, on parle de zoosadisme.
La zoopornographie est, elle, la mise en scène et la diffusion de pratiques sexuelles entre l'homme et l'animal. Une pratique contraire au bien-être animal : "L’animal n’est pas un objet sexuel pour l’être humain. Il n’est pas dans la nature des animaux, essentiellement des chiens et des équidés, de rechercher une relation sexuelle avec des humains", continue Benoît Thomé.
1,5 millions de films zoopornographiques visionnés chaque mois en France
D'après une enquête d’Animal Cross, 1,5 millions de films zoopornographiques sont visionnés chaque mois en France. L’association estime à 250 000 le nombre d’hommes adultes en France ayant eu un rapport sexuel avec les animaux au moins une fois dans leur vie.
Des chiffres qui témoignent de l’ampleur de cette pratique, tant minimisée. "C’est un sujet invisible et impalpable pour la grande majorité des gens pour la bonne raison que ce qui est vu, c’est la partie immergée de l’iceberg, c’est-à-dire les cas qui passent devant les tribunaux". Selon Benoît Thomé, seulement 1 cas sur 1000 fait face à la justice.
Un profil type à l’opposé des stéréotypes
"La zoophilie telle qu’on la voit actuellement ça concerne une population urbaine, intégrée, active, plutôt jeune et très largement masculine, avec un niveau d’études parfois supérieur à la moyenne", précise le président de l’association. Un profil aux antipodes du stéréotype du zoophile construit au XXe siècle (un homme célibataire provenant d'un milieu rural, avec un faible niveau d’études).
Cette population s’est constituée avec internet et les réseaux sociaux. Cette mise en réseau par internet a créé des communautés zoophiles. Dans 2/3 tiers des cas, le premier rapport sexuel avec les animaux se déroule avant 18 ans.
Ainsi, pour l’association Animal Cross un lien étroit existe entre protection de l’animal et protection de l’enfance. "D’abord, l’accès à ces contenus aux adolescents devrait être interdit", affirme le président de l’association. Benoît Thomé évoque également une connexité entre zoophilie et pédophilie, se basant sur une étude de Jenny Edwards, criminologue américaine :
Sur 456 personnes arrêtées pour des faits en lien avec la zoophilie, 46 % ont abusé sexuellement des enfants ou collectionné des images zoopornographiques.
"Des enfants sont aussi contraints à avoir des relations sexuelles avec des animaux et les tribunaux passent à côté de ces cas. Il y a un réel progrès à faire sur la législation", continue le président d’Animal Cross.
Quelle évolution du droit sur la zoophilie ?
A l’ère numérique, la zoophilie a ainsi pris une certaine ampleur, bien que cette pratique existe depuis plusieurs siècles et était, déjà, formellement interdite. "La "bestialité" était un crime jusqu'à la Révolution française, qui l'a aboli", explique Damien Roets, professeur de droit privé et sciences criminelles, intervenant à l’Université de Limoges dans le cadre du diplôme universitaire en droit animalier. Un interdit venant de la Bible : "L’homme qui donne sa couche à une bête : il devra mourir et vous tuerez la bête" (Lévitique 20 :16).
"Il a donc fallu attendre la loi du 9 mars 2004 pour qu'une infraction à peu près équivalente soit réintroduite en droit pénal français. Mais, alors que l'ancien crime de bestialité avait une connotation quasi religieuse et protégeait la morale publique, le délit créé en 2004 vise à protéger l'animal en tant que tel", continue Damien Roets.
A ce jour, "les sévices de nature sexuelle commis sur les animaux" sont passibles de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende (article 521-1 du Code pénal). Une loi insuffisante pour les défenseurs des animaux, en raison du flou autour de la définition de "sévices de nature sexuelle" et du manque de sanction quant à la diffusion de ces contenus.
Une nouvelle proposition de loi jugée insuffisante
La proposition de loi en discussion au Sénat mercredi 22 septembre, donne plus de "visibilité" au délit en lui consacrant l’article 11 et en le sanctionnant plus sévèrement (3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende) :
Le fait d’exercer, publiquement ou non, des sévices à caractère sexuel envers un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.
Cependant, là encore, la notion de "sévices à caractère sexuel" est jugée trop imprécise. "Elle aurait pu définir avec plus de précision le comportement visé […] On peut notamment se demander si le délit est consommé en l'absence de pénétration de l'animal", explique Damien Roets.
D’autant plus que "les dispositions sur la zoopornographie ne figurent pas dans la loi adoptée en première lecture le 29 janvier 2021. Elles figuraient dans la proposition de loi initiale", continue le juriste. Un rétropédalage qui n'est pas au goût du président d'Animal Cross : "Tel qu’il est sorti de l’Assemblée nationale, le texte est vraiment insuffisant. On a créé une pétition qui a été signée par plus de 50 000 personnes pour alerter les sénateurs".
Un certain nombre de choses qui ont été voté en commission comme la condamnation de la consultation des images zoopornographiques ou la protection des enfants contre les images zoopornographiques ont été supprimé à la faveur d’un amendement qui condamne les images de sévices sexuels sur les animaux.
Une grossière erreur pour l’association, car il est plus simple de définir ce qu’est de la pornographie, plutôt que, là encore, un sévice.
Une quinzaine d’amendements portés par Animal Cross
Le Sénat va devoir étudier une quinzaine d’amendements portés par l’association et le sénateur LR du Val d’Oise Arnaud Bazin. "Beaucoup d’amendements vont vers la condamnation des images, la condamnation des personnes, le référencement de ces images, la consultation fréquente et leurs diffusions, détaille Benoît Thomé, mercredi 22 septembre, un amendement va être porté par la sénateur Bazin pour condamner les actes à caractères sexuels envers un animal plutôt que "sévices". Ça serait une différence très importante".
Si l’amendement passait, ça serait une protection forte de l’animal contre l’utilisation qui est faite actuellement de son corps. L’animal a droit au respect de son corps.
Benoît Thomé et son association attendent ainsi une condamnation forte de toute pratique sexuelle sur les animaux et la prévention de celle-ci. Réponse le 1er octobre, date à laquelle le texte sera finalement voté en séance publique par le Sénat.